Ouest France le 19 juin
Une nouvelle réforme, trois ans après la mise en place du socle commun de compétences. : Photo J-M. Niester
Le nombre inhabituel de grévistes, le 15 mai, dans les écoles privées, a montré qu'un vrai malaise existe. Autre exemple significatif : vendredi soir, les professeurs et parents de l'école privée des Tilleuls de Saint-Léger-sous-Cholet ont rejoint leurs collègues de l'enseignement public à la Nuit des écoles, organisée contre la réforme, à Saint-Macaire-en-Mauges.
Le catéchisme menacé
Les enseignants ont le tournis. Ils viennent à peine de travailler sur « le socle commun de compétences » défini par la loi d'orientation de 2005, qu'il faut passer à d'autres références pédagogiques. Pierre Macé estime que huit à dix ans de recul sont nécessaires pour juger de l'efficacité d'une réforme. On est loin du compte.
Un comble ! L'enseignement du catéchisme, une des spécificités de l'enseignement catholique, risque d'être mis à mal par le nouvel emploi du temps concentré sur quatre jours. Pas de problème dans les écoles où l'enseignement du catéchisme se fait à l'intérieur de l'établissement (environ une sur deux). En revanche, dans celles où la « pastorale » a lieu à l'extérieur, le problème sera de savoir quand les enfants pourront se rassembler pour recevoir cet enseignement (1). Fabien, parent d'élèves à Saint-Christophe-du-Bois, craint que la culture chrétienne disparaisse des écoles catholiques. Et avec elle, les valeurs qu'elle porte.
Les professeurs du privé s'interrogent aussi sur la mise en place de l'aide personnalisée aux enfants, un des piliers de la réforme Darcos. Difficile de prévoir les soutiens le soir dans les communes où les transports dépendent du département, ou le midi pour des raisons pratiques de restauration scolaire.
Entreprise de déconstruction?
« Si l'on considère le bien de l'enfant, il vaudrait mieux que cette aide ait lieu le samedi matin quand les enfants sont reposés, explique Jean-Luc Tricoire, directeur de l'école privée de Saint-Christophe-du-Bois. Le soir, l'enfant a du mal à se concentrer. Le samedi matin est un moment de rencontres, de fête avec les parents. Si les enfants en difficulté reçoivent un soutien ce jour-là alors que les autres enfants sont présents, ils ne se sentiront pas stigmatisés ».
Christelle, enseignante spécialisée en « remédiation pédagogique » (l'équivalent du Rased, réseau d'aide de l'enseignement public), s'interroge, elle, sur l'avenir de sa profession : « Nous ne prendrons plus que des élèves en grande difficulté. Les enfants qui connaissent des difficultés ponctuelles bénéficieront d'heures de soutien avec leur professeur habituel. La réforme risque de restreindre notre champ d'activité. »
Positiver ? Pourquoi pas ? « Pour nous, les 108 heures de travail libérées, c'est la reconnaissance du travail effectué en dehors de la classe pour de la concertation, du travail en réseau... », remarque Jean-Luc Tricoire. Mais l'enseignant cite aussi un texte où Antoine Prost explique que « la suppression de deux heures de classe et la semaine de quatre jours risquent d'être irréversibles ». L'historien de l'éducation parle d'une « entreprise de déconstruction », un « Munich pédagogique » (2) dont les enfants des familles les plus modestes feront les frais.
M. C.
(1) Dans les écoles privées, les enfants de toutes les confessions reçoivent une culture religieuse généraliste. La catéchèse est réservée aux enfants des familles qui en font la demande.
(2) En référence aux accords de Munich qui permirent à l'Allemagne nazie de renforcer sa politique d'expansion.