X.Darcos va supprimer l'école maternelle (?)

Publié le par Webmaster

L'école, les pieds sur terre .... mais bientôt la tête sous l'eau

X. Darcos va supprimer l'école maternelle ?

Le gouvernement va mettre en place un large plan d'économie dans l'Education nationale en réduisant la scolarité des élèves. Progressivement, les élèves de deux ans puis de trois ans et enfin de quatre ans ne seront plus accueillis à l'école maternelle. Le plan en préparation depuis plusieurs mois à Bercy sera bientôt mis en œuvre. En effet, la Caisse d'allocations familiales de Montpellier vient d'annoncer aux crèches et aux PMI qu'elles devraient s'apprêter à accueillir (ou plutôt garder en leur sein) les enfants de 2/3 ans à la rentrée 2009 puis, à terme, les enfants de 3/4 ans.

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C'est un responsable d'une structure d'accueil de jeunes enfants présent à la réunion qui m'a donné cette information.

Une tendance de fond et une accélération récente

En France, depuis les années 90, le taux de scolarisation des 3 ans avoisine les 100%. De nombreux rapports ont souligné les liens qui existaient entre le haut taux de natalité en France et cet accueil gratuit de qualité et très bien réparti sur le territoire. Par contre, une interrogation constante a toujours accompagné la scolarisation des 2 ans. Liée à la création des ZEP où elle s'est le plus effectuée, la scolarisation des deux ans a pour but principal de faire parler français des élèves qui n'auraient pas ce bagage à la maison. Cette scolarisation existe aussi dans les zones rurales où elle est une solution de mode de garde pour les parents. Depuis 2000, leur scolarisation a chuté. Ceci s'explique par le fait que ces élèves ne sont plus pris en compte par l'administration dans le calcul du nombre moyen d'élèves par classe qui détermine une ouverture ou une fermeture d'une classe. Ainsi, après une fermeture, les écoles ne peuvent accueillir ces élèves que dans la limite des places disponibles, même dans les zones les plus en difficulté.

X. Darcos, auditionné par l'Assemblée nationale sur l'exécution du budget 2007, a bien résumé l'état d'esprit actuel sur cette question : « comme père, je ne crois pas à l'efficacité de la scolarisation à deux ans ». Effectivement, la première rentrée pour les parents est toujours difficile même quand on se destine aux plus hautes fonctions de l'Etat. Se séparer d'avec son enfant alors que l'on est encore en pleine « fusion » avec lui quelle douleur ! (aller faire un tour lors de la prochaine rentrée devant les écoles maternelles...).

Pour être plus sérieux que X. Darcos qui ne fait appel qu'à ses sentiments de père pour juger de l'avenir socio-économique de la France et de sa place dans le monde car, c'est bien cela le sujet, on lira à profit le n°66 de Education et Formation de 2003 tiré du site du même du Ministère et qui fait le point sur la scolarisation en maternelle. La question y est clairement posée : « Faut-il développer la scolarisation à deux ans ? ». La synthèse développe son argumentaire en deux points. Le premier indique que « globalement l’avantage dû à une entrée à l’école maternelle à deux ans semble relativement faible. » (je souligne) et seconde que ce sont « les élèves des ZEP, ceux des catégories sociales défavorisées, mais aussi ceux des catégories sociales les plus favorisées, bénéficieraient le plus d’une scolarisation très précoce. ». Par ailleurs, les auteurs affirment données à l'appui que «l’effet bénéfique d’une scolarité maternelle longue peut se constater et les quelques élèves qui sont entrés en maternelle à quatre ans ou plus seulement, redoublent le CP ou le CE1 pratiquement deux fois plus que ceux entrés à trois ans. Lorsque l’on sait que les élèves qui redoublent le CP ou le CE1 ont des carrières scolaires plus difficiles et quittent plus souvent le système éducatif sans qualification que les autres, il apparaît nettement qu’une scolarisation longue en maternelle contribue à améliorer à la fois le devenir scolaire des élèves qui en ont bénéficié et l’efficacité globale du système éducatif. ». Le rapport préconise une politique volontariste pour favoriser l'accueil des deux ans en ZEP qui passerait par l'amélioration de la qualité de l'accueil.

Avec de tels rapports sur les effets bénéfiques de l'école maternelle, dont on dit que le monde nous envie, on comprend que le Ministre ait estimé le 3 juillet 2008 devant les sénateurs « que l'organisation de l'école pré-élémentaire [...] était difficile compte tenu de son caractère passionnel. ». (retenez bien ce mot de « pré-élémentaire », il servira à faire une distinction entre l'école « pré-élementaire » et l'école maternelle devenant synonyme de « jardin d'enfants » à l'allemande) A cette occasion, le Président du Sénat, Jean Arthuis, « a rappelé que la commission étudierait plus particulièrement la question de l'école maternelle à l'automne 2008 ». C'est à cette occasion que les attaques contre l'école maternelle seront portées.

Quels seront les apprentissages qui manqueront aux élèves ? Principalement, et c'est essentiel, le fait d'être élève (se tenir sur une chaise mais aussi ne pas mordre le copain, attendre son tour, ne pas crier pour prendre la parole...tout ce que l'on ne peut pas apprendre si l'on reste seul avec sa maman en relation duelle). L'autre apprentissage est la constitution d'un stock suffisant de mots pour aborder la lecture. Là, les inégalités sociales joueront encore plus à fond.

J'ai eu connaissance de cette information il y a quelques mois, en apprenant que Bercy travaillait sur le sujet mais, je l'avoue, je ne l'ai pas pris au sérieux. Un ballon d'essai avais-je dit ! Les objectifs d'accueil des enfants affichés par la CAF de Montpellier prouvent qu'il n'en est rien. Depuis que nous savons que « désormais, quand il y a une grève, personne ne s'en aperçoit », que « la France est en train de changer » et cela « beaucoup plus profondément qu'on ne le croit », plus rien n'est impossible ou, au contraire, « TOUT EST POSSIBLE ».

Après le « Munich pédagogique », la « campagne de Pologne contre l'école »

Antoine Prost nous a avertis qu'une ligne jaune avait été peut-être franchi par la réduction du nombre de jours de classe, nous pouvons affirmer que les offensives ne font que débuter selon les principes déjà éprouvés du « Blitzkrieg » (guerre éclair) politique. Le monde enseignant est encore derrière sa ligne Maginot. Il reste encore peu de temps avant que le dernier coup soit porté.

Après cette métaphore filée, je souhaite revenir aux conséquences concrètes de la mesure en évoquant les justifications prévisibles qui ne manqueront pas d'être données et auxquelles nous aurons droit. Tout comme un célèbre chroniqueur de France Culture le matin, je me risque donc à la prédiction politique.

Tout d'abord, Notre Président va annoncer un grand pas dans la lutte contre les inégalités scolaires. Mieux, il va faire ce qu'aucun gouvernement de gauche n'avait osé faire avant lui alors même que l'idée est défendue depuis longtemps chez les « progressistes » : il défendra l'allongement de la scolarisation pour la faire commencer dès 5 ans. Or, vous le savez maintenant, de fait, la scolarisation est « culturellement » obligatoire dès 3 ans puisque le taux de scolarisation à cet âge est quasiment de 100 %. Voilà donc un progrès qui fera régresser les élèves.

Il recentrera l'école sur ses missions fondamentales (« cœur de métier » terme cher aux entrepreneurs) en redéployant une partie des postes à l'école élémentaire, vers les élèves en difficultés (eh oui, il y aura du boulot dans le secteur sans scolarisation)

Mais un des enjeux de la scolarisation des enfants de deux ans à quatre ans, c'est la possibilité des parents de trouver un mode de garde gratuit de qualité et très bien réparti sur le territoire alors que la France manque cruellement d'un « service public de la petite enfance ». Tiens encore une idée de gauche, génial, Notre Président va pouvoir s'y jeter dessus. X. Darcos a déjà sous-entendu cette idée en regrettant devant les parlementaires le 18 juin que la « politique de la petite enfance n'ait jamais été faite » en France. Suivez donc mon raisonnement : l'Etat offrira aux parents la possibilité de faire garder leur enfant au sein même des « anciens » locaux de l'école maternelle. Pour eux, rien ne changera. Mieux même, ils y gagneront en souplesse car il n'y aura plus les contraintes horaires des écoles.

Mais qui gardera les enfants ? Réponse de l'Etat : du personnel qualifié à l'accueil de la petite enfance employé par les Mairies. En effet, X. Darcos qui connait bien (sic) ce qui se fait dans les écoles maternelles ne « comprend pas pourquoi recruter des bac+5 pour faire faire la sieste à des enfants » (le 18 juin encore), il y a donc des marges de manœuvres. Dans les intentions législatives ce personnel qualifié sera composé d'éducatrices pour jeunes enfants, de puéricultrices (actuellement, un minimum (sic) légal de 50% du personnel qualifié suffisent pour faire fonctionner un crèche) or, ces personnes sont rares sur le marché du travail et les formations sont longues.

Dans la réalité, les maires seront les seuls pilotes du personnel et de cette structure. Comment vont-elles agir ? De manière très simple puisque elles mettaient à dispositions des écoles du personnel municipal ATSEM (Agent Spécialisé des Écoles Maternelles). Une fois les classes maternelles supprimées, les ATSEM ne se retrouveront pas sans travail puisqu'il faudra organiser la garderie ! D'ailleurs pour tenter de calmer le mécontentement des maires qui commence à se faire sentir [1], l'Etat annoncera l'attribution de subventions pour les municipalités et « l'assouplissement » des contraintes d'accueil (pour 16 enfants : 4 adultes et de 120 à 160 m2 selon la législation actuelle) ou plus probablement en créant une nouvelle structure aux contraintes plus souples qu'en crèche donc. Je vois déjà le nom : « Les maisons de la petite enfance ». Il s'agit surtout de faire baisser le coût comparativement aux crèches. X. Darcos devant les parlementaires rappelait que la « crèche coûte 7 ou 8 fois plus cher que l'école ». Une politique de la petit enfance devra donc trouver une solution de garderie moins couteuse et supprimer des classes maternelles (un instit coute plus cher à l'Etat qu'une crèche ; quand on pense qu'il faudra le payer jusqu'à sa mort !).

A moins que la solution ne se trouve ailleurs :

« Au moment où l’Éducation nationale se désengage à l’égard des moins de trois ans, le temps est sans doute venu pour les établissements catholiques de redécouvrir leurs savoir-faire spécifiques pour l’accueil des tout-petits dès dix-huit mois (ou même en deçà) et de les mettre à la disposition de tous. » « Ce chantier exigera d’inventer des formules très variées, adaptées aux contextes locaux. Sortons des sentiers battus ! Utilisons, en ce domaine comme dans les autres, nos espaces de liberté ! Sachons être aussi audacieux que des enfants ! ».

Plus haut est écrit :

« L'enseignement catholique a depuis longtemps une tradition et une expérience dans l’accueil de la petite enfance, notamment grâce au jardin d’enfants qui constitue, pour certains d’entre nous, le premier souvenir d’un trop lointain passé. Même si,comme en attestent les témoignages du dossier « Place aux tout-petits ! »,cette pratique originale est restée vivante sous des formes diverses, le développement des classes maternelles a conduit à la scolarisation des enfants en bas âge, et ce avant même trois ans.Le traditionnel débat sur les avantages et les inconvénients d’une socialisation des enfants par la famille ou par des institutions éducatives est désormais largement dépassé. Il a été profondément renouvelé par le développement du travail des femmes, l’évolution des modèles familiaux et la nécessité de faciliter l’insertion scolaire de beaucoup d’enfants dont les parents ne sont eux-mêmes pas parfaitement intégrés sur les plans professionnel et social.Des enfants ont besoin de nous pour grandir, des familles attendent de nous une aide pour les accompagner dans leur mission de premiers éducateurs. »

Enseignement catholique actualités | n° 321 | février 2008

Ce gouvernement s'apprêterait il encore à faire un cadeau au privé ? Souhaite t-il démontrer que notre système scolaire fonctionne mal en le privant des ressources pour s'assurer qu'il marchera mal ? Le débat sur la scolarisation des jeunes enfants n'est-il dépassé que pour le privé ?

La messe est-elle déjà dite ?

Les oppositions (partis et syndicats) trouveront t-elles des arguments pour éviter cette « campagne de Pologne contre l'école » ou doit-on tout faire tout seul ?

Pour en finir:

On voit donc bien les choses se dessiner selon ce qui est mon hypothèse : les parents aux moyens financiers suffisants placeront leurs enfants jusqu'à 4 ans dans des structures à fort taux d'encadrement (crèches, écoles privées), les plus démunis dans les maternelles (le mot « école » disparaitra) quasiment gratuite, avec un taux d'encadrement peu élevé (selon les possibilités de la mairie, en fait) sans garantie de formation et enfin, une école « pré-élémentaire » pour les 4-5 ans. Il s'agit de la copie du modèle allemand accumulant les inconvénients de la mauvaise préparation à l'école (la qualité n'est pas garantie partout sur le territoire) et de la stigmatisation forte des familles qui ont plus d'un enfant (les femmes ne sont plus rapidement disponibles sur le marché du travail).

[1] Le Monde du 05 juillet 2008 (version Internet)

« Les élus locaux sont exaspérés. "Il y a une montée d'adrénaline", reconnaît Jacques Pélissard, le maire (UMP) de Lons-le-Saunier et président de la très influente Association des maires de France (AMF). Le détonateur a été les réformes successives imposées par le ministre de l'éducation nationale, Xavier Darcos. Cela a commencé en mai, avec le projet de service minimum d'accueil dans les écoles. Un dispositif "inacceptable" en l'état, juge le président des maires.Cela continue avec la semaine de quatre jours, imposée à la rentrée prochaine par un décret du 15 mai. Les élus considèrent qu'ils n'ont pas le temps, d'ici à la rentrée, d'organiser l'accueil périscolaire et dans les cantines que suppose la réorganisation de la semaine. Jacques Pélissard a donc demandé à Xavier Darcos le report de la réforme. »

 PS :

Il s'agit d'un dessin de ma fille de 2 et demi. On y voit le soleil et le ciel en haut, une souris, des plantes et des fraises en bas ( hé oui, j'ai des fraises des bois devant chez moi ; pas courant dans une ZEP, non ?!)


Publié dans Revue de presse

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