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Un ministre de l'hésitation nationale?

Alors qu’un ancien ministre de l’Education nationale – Jack Lang – lui lançait sur RMC : " Si vous continuez comme ça, l’Education nationale sera votre Vietnam ", Xavier Darcos s’est fait fort sur Europe 1 de tenir bon sur ses réformes : " Je ne suis pas ministre de l’hésitation nationale ".

 

 

Voire. La guerre des communiqués est lancée sur les ondes. Mais cela se perd ou se gagne aussi dans les rapports de force externes ou internes à l’Education nationale, et en particulier dans les luttes plus ou moins bien menées dans les établissements voire dans la rue ( mobilisant ou non, enseignants, parents d’élèves, lycéens ).

Il avait semblé au ministre de ‘’bonne guerre’’ de brocarder les syndicats enseignants et leur ‘’culture’’ de la grève ( ‘’rituelle’’ ) et de mettre en doute leur ‘’représentativité’’. Mais la dernière grève très suivie dans l’Education nationale ( en particulier dans l’enseignement primaire ) et la participation en hausse ( contrairement à la tendance générale en France ) aux dernières élections paritaires dans l’Education nationale l’ont amené en fait déjà à un certain changement d’attitude.

D’autant que d’autres formes de contestations inédites se développent et marquent la détermination nouvelle et l’exaspération d’un certain nombre d’acteurs de l’Ecole. On peut citer - entre autres - les appels à la ‘’résistance’’ et à la ‘’désobéissance pédagogique’’ dans le primaire, ou bien la pétition ( qui a déjà recueillie plus de 14000 signatures ) lancée sur internet par une centaine de professeurs d’école pour demander la démission de Xavier Darcos.

 

Dans ces conditions, la possibilité que le ministre de l’Education nationale '' hésite'' dans les mois qui viennent voire dans les jours prochains ( contrairement à ce qu’il affirme pour essayer de faire croire en l’inanité des luttes contre ses projets ) est loin d'être improbable puisqu'il a déjà ‘’hésité’’ ces derniers temps. On peut prendre deux exemples, situés aux deux extrémités des enseignements scolaires : la maternelle et l’accueil des tout petits de 2-3 ans d’une part, et la réforme du lycée d’autre part.

On se souvient de sa sortie en Commission du Sénat le 3 juillet dernier : " Est-ce qu’il est vraiment logique, alors que nous sommes soucieux de la bonne utilisation des crédits de l’Etat, que nous fassions passer des concours à bac +5 à des personnes dont la fonction va être essentiellement de faire faire des siestes à des enfants ou de leur changer les couches? ". Ce 3 décembre, au Sénat, il a tenu à s’excuser ( en affirmant qu’il avait répondu à une question sur la scolarisation des enfants à partir de 18 mois ) : " Certains y ont vu une remise en cause des maîtres de maternelle ; mais telle n’était pas du tout mon intention et, si je les ai blessés, je m’en excuse auprès d’eux ".Il vaut mieux tard que jamais ( cinq mois après, tout de même… ). Mais il conclut cette fois de façon symptomatique : "  Je n’ai pas d’avis définitif sur la scolarisation des tout petits, car les multiples controverses n‘ont pas permis de trancher le débat ". Il est donc – désormais – urgent d’attendre

 

Pour ce qui concerne le lycée ( que l’on soit pour ou contre les principes mêmes de la réforme ), il est non moins révélateur qu’il y a eu d’ores et déjà des modifications importantes ( signe d’une certaine ‘’valse hésitation’’ ) entre l’état des premières propositions telles qu’elles ont été annoncées à la mi–juillet 2008, et l’état actuel. En juillet 2008, il était prévu pour la classe de seconde pas plus de 27 heures d’enseignement par semaine ( les enseignements dits ‘’généraux’’ devant représenter 60% du temps, les enseignements dits ‘’complémentaires’’ remplaçant les options devant prendre 25% du temps sous forme de ‘’modules’’ semestriels ; enfin des activités d’’’accompagnement’’ ou de soutien, durant les 15% du temps restants ). Actuellement les horaires prévus dans le cadre de la réforme de la classe de seconde se montent à 30 heures par semaine ( 21 heures pour les ‘’troncs communs’’ au lieu des 16 heures initialement envisagées ; 6 heures de modules semestriels, soit le cinquième des horaires hebdomadaires au lieu du quart initialement prévu ; et 3 heures d’accompagnement ou de soutien ).

Le recul est encore plus net pour ce qui concerne les classes de première et terminale. Alors qu'il avait été prévu dans le projet initial d'aller vers la suppression des filières, le ministre de l'Education nationale - toujours sur RMC - déclare désormais que pour "la première et la terminale, nous n'avons pas d'intentions extrêmement novatrices dans ce domaine, parce que vous retrouverez toujours des dominantes, qui sont le professionnel, le technologique, le littéraire, l'économique et les scientifiques; c'est très difficile d'imaginer autre chose". 

 

On le voit, rien n’est vraiment écrit dans le marbre, et il est loin d’être sûr que Xavier Darcos ne restera pas dans l’histoire comme " un ministre de l’hésitation nationale "... 

Publié dans Revue de presse

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